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  • Photo du rédacteurKemi Outkma

Un coeur bat, les dents grincent


« J’aime la fraîcheur de ton jeune âge.

J’aime la douceur réservée de ton sourire.

J’aime l’harmonie de ton corps

Et j’envie le ravissement que doit éprouver celui qui te voit nue.

J’imagine la tiédeur de ta peau pour celui qui la caresse de la sienne

Et la suavité de ta voix quand tu lui murmures : « je t’aime »

Et la torsion de ta bouche quand tu prends du plaisir

Et l’instinctive mélodie composée de tes soupirs.

Voilà ce que tu m’inspires, voilà ce que je pense

Que je te vois partir ou que vers moi tu avances…

Si croiser ton sourire est pour moi une chance

Un jour te le dire ne reste que romance

Tu es encore si jeune et moi j’ai tant vieilli

Aussi fraîchement jolie que je suis racorni

J’aimerais avoir 20ans, beau corps et bel esprit

Je laisserais alors libre cours à mes envies

Ce qui moralement m’est en ce monde interdit

Comme t’entretenir de mes lubriques rêveries

Celles où nos lèvres sont en étroit contact

Où mes mains sur ton corps sont ma pensée en actes

Où nos soupirs deviennent le dialogue de nos chairs

Que ponctuent par moment, plaintes et gémissements

Puis soudain tes yeux brillent du plaisir que je t’offre

Tu te cambres, tu te crispes et je m’abandonne

Nos cris alors déchirent tout ce qui environne

Pantelants, haletants mais heureux toutefois

Nous nous regardons comme la première fois

Tu souris encore, tu souris toujours

Quand dans mon ciné intime je te fais l’amour…

N’en veux pas, je t’en prie, à un vieux poète

D’user pour te voir d’un regard d’esthète

Ne vois pas en moi le diable, ne vois pas une bête

Je ne suis qu’un vieux fou qui vit dans sa tête

Et qui, chaque fois que la Grâce le surprend

S’empare derechef d’un bout de papier blanc

Pour aussitôt le couvrir d’alambiqués sentiments

De désirs inavouables, d’intrinsèques tourments…

Ne pense plus à moi, oublie donc qui je suis

Garde seulement pour toi ces mots que je t’écris

Ce courrier est à toi, et si ces mots sont les miens

L’inspiration je la dois au charme qu’est le tien.»

Il plie la lettre en 3 comme il a appris à le faire au bureau, la glisse dans la poche du blouson de la jeune fille, et tourne les talons. Et tandis qu’il quitte prestement les lieux, il se gratte machinalement sa calvitie naissante, en se répétant à lui-même ce dernier quatrain qu’il a bien failli lui écrire :

«Qui je suis, tu t’en doutes et c’est bien pour ça

Que cette lettre comme toutes celles que tu reçois

C’est idiot, sans doute, je ne la signerai pas…

Mon prénom, rien à foutre, toi tu m’appelles : Papa »

K.O.

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