« J’aime la fraîcheur de ton jeune âge.
J’aime la douceur réservée de ton sourire.
J’aime l’harmonie de ton corps
Et j’envie le ravissement que doit éprouver celui qui te voit nue.
J’imagine la tiédeur de ta peau pour celui qui la caresse de la sienne
Et la suavité de ta voix quand tu lui murmures : « je t’aime »
Et la torsion de ta bouche quand tu prends du plaisir
Et l’instinctive mélodie composée de tes soupirs.
Voilà ce que tu m’inspires, voilà ce que je pense
Que je te vois partir ou que vers moi tu avances…
Si croiser ton sourire est pour moi une chance
Un jour te le dire ne reste que romance
Tu es encore si jeune et moi j’ai tant vieilli
Aussi fraîchement jolie que je suis racorni
J’aimerais avoir 20ans, beau corps et bel esprit
Je laisserais alors libre cours à mes envies
Ce qui moralement m’est en ce monde interdit
Comme t’entretenir de mes lubriques rêveries
Celles où nos lèvres sont en étroit contact
Où mes mains sur ton corps sont ma pensée en actes
Où nos soupirs deviennent le dialogue de nos chairs
Que ponctuent par moment, plaintes et gémissements
Puis soudain tes yeux brillent du plaisir que je t’offre
Tu te cambres, tu te crispes et je m’abandonne
Nos cris alors déchirent tout ce qui environne
Pantelants, haletants mais heureux toutefois
Nous nous regardons comme la première fois
Tu souris encore, tu souris toujours
Quand dans mon ciné intime je te fais l’amour…
N’en veux pas, je t’en prie, à un vieux poète
D’user pour te voir d’un regard d’esthète
Ne vois pas en moi le diable, ne vois pas une bête
Je ne suis qu’un vieux fou qui vit dans sa tête
Et qui, chaque fois que la Grâce le surprend
S’empare derechef d’un bout de papier blanc
Pour aussitôt le couvrir d’alambiqués sentiments
De désirs inavouables, d’intrinsèques tourments…
Ne pense plus à moi, oublie donc qui je suis
Garde seulement pour toi ces mots que je t’écris
Ce courrier est à toi, et si ces mots sont les miens
L’inspiration je la dois au charme qu’est le tien.»
Il plie la lettre en 3 comme il a appris à le faire au bureau, la glisse dans la poche du blouson de la jeune fille, et tourne les talons. Et tandis qu’il quitte prestement les lieux, il se gratte machinalement sa calvitie naissante, en se répétant à lui-même ce dernier quatrain qu’il a bien failli lui écrire :
«Qui je suis, tu t’en doutes et c’est bien pour ça
Que cette lettre comme toutes celles que tu reçois
C’est idiot, sans doute, je ne la signerai pas…
Mon prénom, rien à foutre, toi tu m’appelles : Papa »
K.O.
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