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  • Photo du rédacteurKemi Outkma

Lutter contre le désert


C'est en tant que père que j'écris ce texte, donc pas de fiction sur ce coup-là, pas de « texte dans le texte » et un « je » qui n'est pas un personnage. J'écris ces lignes en tant que père de deux élèves de l'école d'Aignan menacée d'une suppression de poste et donc père de futurs élèves du collège vert également mis à mal.

Bien que très récemment arrivé, je me mobilise aux côtés des autres parents d'élèves et de tous les citoyens attaqués par les décisions injustes concernant nos institutions scolaires.

En effet si le départ de notre précédente résidence nous a été imposé, à mon foyer et moi, l'élection de cet endroit du Gers qu'est le canton d'Aignan, a été quant à elle une décision mûrement réfléchie dans le cadre d'un projet familial et humain.

Oui, pour nous, la vie en milieu rural est un choix. Un choix de vie. Et nous avons pu constater au cours des quelques mois écoulés que ce choix était le bon. Nous y avons trouvé tout ce que nous venions y chercher et que nous nous efforçons à notre tour d'enrichir, à savoir : un tissu social dense et concret, une solidarité sincère et profonde, en bref je serais tenté de dire : un « vivre ensemble » que la ruralité contraint à une évidence quotidienne quand il est encore en tant de lieux et tant de bouches un vague slogan vide de sens. A l'inverse de bien d'autres endroits où j'ai pu vivre, ici les individus sont plus proches que leurs habitations ne sont voisines.

Et puis il y a cette école et ce collège juxtaposés (collège « vert » histoire d'encore un peu plus plaire à nos convictions personnelles) qui permettent donc d'envisager sereinement la scolarité des enfants jusqu'à la troisième. Nous avons d'ailleurs pu constater depuis la rentrée à quel point l'émulation créée par les équipes éducatives est profitable à la sociabilité des plus jeunes et la maturité des adolescents. C'est l'école, on y apprend à devenir citoyen, alors petits et grands vivent ensemble, prennent soin les uns des autres, chacun veille sur tout le monde sans distinction, comme on le fait dehors.

Toutefois s'il y a mobilisation ce n'est pas « seulement » pour sauver le poste de l'école d'Aignan. Ce n'est pas non plus « simplement » pour se dresser contre l'injustice qui consiste à retirer la spécificité environnementale du collège sous prétexte que l'environnement fait désormais partie du programme général, alors que cet établissement était précurseur dans ce domaine depuis de nombreuses années à tel point que certains de ses élèves avaient été reçus quelques temps avant la COP 21 par monsieur le président de la république François Hollande et madame la ministre de l'éducation Najat Vallaud-Belkacem à qui ils avaient remis le livre blanc de la jeunesse sur le climat.

Non, ce n'est pas uniquement pour ça... même si les « Pourquoi ?» et autres « Qu'avons-nous fait de mal ? » émanant des élèves blessés et des membres des équipes éducatives meurtris me seraient suffisants.

C'est pour dire que ça suffit ! Qu'il y en a assez de vous laisser appauvrir et éreinter la ruralité !

Notre département connaît une évolution démographique disproportionnée entre l'est et l'ouest. Nous comprenons qu'il existe un réel besoin de postes supplémentaires dans la conurbation toulousaine. Si nous crions bien fort que nous ne voulons pas de classe avec des effectifs de plus de trente élèves c'est parce que nous considérons que ce ne sont pas des conditions décentes d'apprentissage. Nous ne trouvons donc pas normal qu'il en existe, et ce, que ce soit en simple, double ou triple niveau d'enseignement, que ce soit à Aignan, ou à l'Isle Jourdain. Nous refusons simplement que ces postes soient pourvus au détriment de nos centre-bourgs. Le protocole signé voici trois ans prévoyait un gel des postes pour sauver nos campagnes. Ce protocole est aujourd'hui caduque car continuer à l'appliquer en supprimant des postes essentiels à nos milieux ruraux pour atténuer le manque de moyen des agglomérations c'est aller à l'encontre de sa raison d'être et de la raison pour laquelle il a été décidé. Notre département a besoin de création de postes dans sa partie est ET du maintien de ceux présents dans sa partie ouest.

Un poste à l'école et des heures au collège enlevés à Aignan cette année c'est la promesse d'autres suppressions l'année prochaine ailleurs dans l'Armagnac-Adour, puis d'autres encore l'année suivante. Or sans école nos bourgs perdront leur tissu associatif, le cœur et l'âme de nos cantons, puis ce seront les médecins, les pharmacies, les commerçants... jusqu'au désert rural où survivront peut-être quelques paysans encore plus difficilement qu'aujourd'hui.

Alors je serai à Auch le lundi 7 mars pour la manifestation, j'irai avec conviction, j'irai pour la défense de la vie en milieu rural qui n'est possible qu'avec son école, j'irai pour cette France trop souvent oubliée parce qu'elle ne réclame jamais rien. J'irai pour que nos enfants voient qu'on se bat pour eux, pour leur école, pour notre attachement à nos valeurs et notre cadre de vie, et pour qu'ils voient que vivre ensemble c'est construire, faire, marcher ensemble et non pas rester assis dans son coin à ronchonner. Je me joindrai à tous les gersois, les gascons, de naissance ou de cœur, et si nous sommes tous là, nous tous qui sommes concernés, alors nous pourrons montrer que le lien qui nous unit et que nous défendons maintenant est bien réel et qu'il mérite qu'on se batte pour lui contre l'absurdité comptable et la rigueur administrative. C'est l'école contre le désert, l'instruction contre la rentabilité, le boucan de la vie contre le silence du néant qu'il est de notre devoir de défendre et sauvegarder.

Alors RDV le 7 mars à Auch !

Bon vent à toutes et à tous

K.O.

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