Après quelques mois d'apparitions éphémères et de publications chaotiques de vieux textes pour cause d'errance dans les souterrains du camp de base, me voilà de retour au front, sur la brèche, et j'oeuvre désormais de tout mon possible à vous présenter un nouveau projet complet au plus vite. En attendant, voici un extrait de mon roman en cours d'écriture, deuxième volet de la trilogie « Au nom du père » (titre provisoire) entamée avec « Cycle(s) ». Bonne lecture et à bientôt.
K.O.
«
Ce qu'en pensait mon père :
L'Humanité en tant que dynamique évolutive est morte. Elle est passée d'espèce dominante à espèce encombrante. Et encombrée d'elle même. Les années 50 du siècle dernier ont sonné le début de l'agonie de l'Humanité depuis lors moribonde. Quand elle s'est souvenue du mot « Apocalypse ». Quand les individus qui la composent ont pris conscience d'eux même en tant que masse, et pris également conscience que cette masse pouvait désormais être anéantie d'un seul coup par l'existence d'une nouvelle arme, l'arme absolue : La Bombe.
Celle qui n'existait jusqu'à lors que dans les rêves des tyrans et les cauchemars des prêcheurs. De là, l'Humanité s'est sentie chétive et éphémère. La peur l'a paralysée, tétanisée. Elle a cessé de chercher des frontières à franchir. Elle a cessé d'évoluer pour se répandre, se multiplier, se métastaser, façon inconsciente d'assurer sa pérennité par le nombre face à la menace de voir disparaître ses individus par millions. Elle a cessé de croire à l'avenir pour s'empresser de tout piller, tout flamber, tout consommer et consumer avant l'arrivée de La Bombe Terminale.
Mais « Apocalypse » signifie « révélation » ce qui présuppose bien moins un instant précis comme une déflagration, un éclair ou un déluge de feu qu'une période, de longueur inconnue, une étape, un chapitre dans la narration de la vie pensante sur Terre.
Et alors, nous nous sommes fabriqué un Camp. Désormais surpeuplé. Nous avons fait du monde un camp. Nous vivons dans le Monde-Camp. Notre planète est notre camp. Nos satellites sont nos miradors. Nos téléphones portables, nos netbook, nos tablettes, nos GPS, nos consoles de jeu, nos paraboles, nos connexions internet sont autant de traceurs-espions individuels.
Les pubs, auxquelles nous ne parvenons jamais à ressembler, sont les kapos qui nous maintiennent dans l'humiliation. Nos infos et nos actus sont les kapos qui entretiennent notre peur. Nos chefs, nos patrons, nos élus, nos banquiers, nos assureurs, et nos supermarchés sont les kapos qui nous exploitent et nous éreintent au quotidien.
Dans le Camp nous ne sommes que des numéros (de matricule de pointage, de sécurité sociale, de permis de conduire, de demandeur d'emploi, de compte bancaire, d'abonnés de tel opérateur téléphonique, de tel fournisseur d'accès internet, d'adresse IP...). Nous ne sommes plus qu'une quantité de matière à valoriser puis renouveler... car le Camp est inhumain.
Le Camp est une machine, du grec : Makina qui signifie « stratagème », le Camp est la Machine Totale. Le stratagème que l'Homme a mis en place pour se contrôler, se réguler... pour se tuer en tant que singularité pensante, dynamique et évolutive.
Lente agonie d'une espèce en voie de disparition qui s'acharne à entraîner avec elle dans son ultime chute le maximum de Vie qu'elle côtoie.
Après quoi reste-t-il donc une raison de courir ?
Quelles frontières reste-t-il à franchir ?
Trouver sa route, sa voie, son âme en somme, est dans le Camp, la seule obligation de l'Homme d'Honneur, tout le reste est vaine agitation de mauvais comédien. »
K.O.